16 avril 2012
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Il y a quelques mois, débutait une campagne, celle des élections présidentielles.
Sans doute parce que ma nature aime relever les défis, je me suis mise en tête de rencontrer un maximum de candidats sur les dix présents, au nom de toutes les victimes, avec pour seule carte de visite, mon livre: "celle qui dit non".
Il s'est écoulé huit longues années depuis le premier braquage à mains armées et le viol, des mois, des jours de souffrances accumulés, mis bout à bout, méritant bien une minute d'attention.
J'ai tenté en premier lieu "Le Hollande", présent sur ma commune avec son grand rassemblement, jugé par les médias comme une réussite et par les citoyens présents comme une victoire.
J'avais pris mon chemin, mon livre en poche; j'avais traversé ma ville à pied, le nez au vent, confiante de rien mais espérante de tout.
Je me suis postée à la sortie, j'ai parlementé avec la garde rapprochée, j'ai vu les mines dubitatives, les regards en dessous, entendu les messes basses; résultat des courses, deux heures plus tard, refoulée avec le vif conseil de ne pas insister sous peine de......
Le suivant fut "Le Mélenchon", réunion à Le Blanc- Mesnil, salle comble; logique, puisque commune communiste et alors là, inutile d'insister, rien que mon nom faisait se refermer les portes de façon automatique.
Retour à pied, mon livre toujours en poche, cherchant des arguments pour me motiver à poursuivre.
Je tentais " Le Bayrou", "La Eva", "La Nathalie" mais là aussi, impossible d'atteindre les stars, ne fussent qu'une minute, ma face étant sans doute trop blanche pour ce faire.
Puis vint "Le Dupont-Aignant", que je connaissais un peu plus, pour l'avoir rencontré lorsqu'il lançait son parti. Il me fit répondre qu'il n'était pas là pour résoudre les cas personnels ..... J'en fus surprise sur la forme mais point étonnée sur le fond.
Enfin, "Le Sarko" se décida pour une venue sur la commune voisine, Drancy; un rendez-vous avec les religieux, sauf les catholiques et les associations. Je savais où se déroulait le repas, mais à la vue de la panoplie policière déployée, la Marie-Neige fit demi-tour, sentant que l'évocation de son nom et une insistance pour remettre un livre fusse t'il dédicacé, serait considéré comme un attentat contre le chef de l'état. La liberté a un prix, celui du silence, encore une fois.
Il ne m'en restait plus qu'une "La Marine"; localement impossible là encore d'obtenir une ouverture quelconque, tant ma cause n'est autre que celle d'une pauvre folle, mytho, facho, affabulatrice; au choix, rayez la mention inutile à vos yeux ou gardez tout, voire rajoutez en, pour le cas où il y aurait des manquants.
A neuf jours du premier tour, mon pari, fait grise mine et moi avec.
Unanimement la classe politique se braque, se dresse contre moi. Elle fait barrage à quoi: à la vérité, à la victime, à la citoyenne, à la femme, à la mère, à la commerçante?
Malgrè les interviews, les articles de presse, les reportages, le livre, qu'ils ont tous dévoré, pensant pouvoir l'attaquer, rien ne bouge.
Tous semblent figés dans ce déni total de la vérité. Une victime qui n'a pas la gueule de l'emploi, cela se fusille.. Si elle a subi tout cela, c'est bien qu'au final elle le mérite; elle l'a bien cherché....
Ces propos échangés au grès de leurs rencontres ou de leurs échanges, les rassurent, les confortent; ils sont comme mes agresseurs dans la toute puissance, le pouvoir, la domination, le coup de grâce.
Sauf que votre servitrice, elle n'en a que faire, en huit ans, elle a appris qu'il lui suffit juste de patienter, de trouver le maillon manquant afin de poursuivre la chaîne de la vie et son combat contre le mur du silence.
Parce qu'il en va ainsi de la vie, ce maillon se présenta sous le plus beau des sourires, celui de Marie-Jo, coiffeuse de son état, passionnée d'orchidée à ses heures et proche de certains responsables du Front-National dans le Pas-De-Calais.
Je lui fis part de mon échec pour passer mon livre aux dix élus et aussitôt elle m'informa d'un rassemblement avec Marine à Hénin-Beaumont.
Deux heures plus tard, deux cent cinquante kilomètres plus loin, j'étais assise au premier rang d'une salle comble, scandant le prénom de son leader avec une ferveur à en faire pâlir plus d'un.
Mon livre fut remis au directeur de campagne, je sentis monter en moi des émotions et c'est les jambes en coton, le coeur battant, rouge écarlate que je me retrouvis face à Marine.
Un moment intense, riche en échange, un regard franc, des phrases parlant d'héroïsme là où je ne vois que devoir. Elle m'enveloppa de ses bras immenses, comme elle l'aurait fait pour sa mère, pour me serrer contre elle. Moi qui ne supporte plus aucun contact, moi qui ne me considère plus comme appartenant à l'espèce humaine, j' ai retenu mes larmes, car elle m'a fait exister dans les yeux des témoins de la scène, révélant ainsi ma fragilité et non ma force.