Trois semaines de fermeture, histoire de retrouver mon village et ses anciens.
Trois semaines de bonheur, au coeur d'une province, celle où reposent mes grands-parents et mon père.
Trois semaines d'échanges vrais, assise au bord du fleuve de mon enfance, à tenter de comprendre" l'impossible".
Trois semaines de rires, d'émotions sincères, tant la nature m'a comblée de mille cadeaux.
Trois semaines d'émerveillements quotidiens, en osmose avec un maître de ballet aux allures aussi étranges que superbes.
Ils ne m'ont jamais quittée, confidents éphémères de mes souffrances, ils me conduisaient peu à peu vers demain; se posant qui, sur ma main, mon épaule, mes cheveux, me faisant redécouvrir ce contact à l'autre comme une caresse à mon âme.
Depuis, l'échoppe a repris ses activités, " l'impossible" erre toujours au fond de mon être, tel du gros sel sur la béance de mes plaies; ma chatte, je n'ai point retrouvée, mon dernier panneau publicitaire a de nouveau été déterrioré, ma sonnette d'entrée de boutique a été volée puis jetée, mes voisins me pourrissent toujours autant la vie et pourtant, pourtant, au détour d'un rayonnage, j'ai soudain ressenti, une légère brise en mon coeur.
Plantée là, à choisir, qui sa bierre, son sandwich ou sa salade, la "police dite nationnale".
J'ai ressenti un puissant calme intérieur et tout en déposant virtuellement, entre eux et moi, l'image du papillon, j'ai tenté de croiser les regards de ceux, qui m'avaient refusé un verre d'eau, là, en face à face, droit dans les yeux, sans les supers pouvoirs, d'humain à humain(enfin si je puis encore me considérer comme appartenant à l'espèce).
Pas un seul n'a osé me regarder, leur gêne profonde était palpable, leur embarras suintait de leurs pores, sous mes yeux interrogatifs certes, curieux certainement, un tantinet moqueurs sans doute.
Eh oui, faire ses achats divers et se promener avec une bouteille de vin à la main ne fait pas trop sérieux quand on porte l'uniforme.
Il était sans doute plus facile de me dire durant ma garde à vue " que les racistes n'ont pas de besoin ici" pour vous faire bien voir des diverses composantes du commissariat de La Courneuve, que de me saluer comme vous le faisiez avant, lorsque vous désiriez lire gratuitement dans la boutique, les résultats de vos équipes préférées, où les derniers potins de "public' ou de"voici".
Fort de votre courage, vous avez tous déserté des rayons, tels, une envolée d'hirondelles à l'heure de la migration.
Depuis la clôture de la garde à vue, où l'on m'a intimé l'ordre de" faire profil bas" je sais que quoiqu'il m'arrive vous ne bougerez pas, m'abandonnant au sort que l'on réserve désormais aux patriotes, le lynchage et la camisole de force.
Ce que ces quelques minutes viennent de me faire comprendre surtout, c'est qu' en acceptant de devenir mes geôliers d'un jour, vous avez vous même, créé, une zone de non droit, au coeur du quatre-vingt-treize où la liberté d' expression, papillonnera sans cesse de clients en clients .
"quand on a tout à craindre, on ne doit craindre rien"
Thomas Corneille.