Quand le ton est donné dès le matin, je sais que la journée va se dérouler en tenue de combat.
Anthony, étudiant, et sa maman, sont à la boutique; nous nous connaissons depuis toujours; nos enfants ont le même âge et nous avons le même humour; tous les ingrédients sont donc réunis pour que nous passions un bon moment.
Un homme pénètre en l'échoppe, les clients sont occupés à choisir leurs livres et revues mais je sens venir le vent. L'individu manipule la presse et son présentoir en tous sens, faisant semblant de chercher, de ne pas trouver. Tentant de l'aider, j'utilise donc mon humour au deuxième degrés, celui qui a le don d'exaspérer ceux qui m'ont déclaré les hostilités il y a quelques années.
Rien de bien méchant, le truc censé détendre le dit client, sauf que bingo, je gagne le gros lot, les insultes pleuvent et pas des moindres.
Presqu' aussitôt, Anthony s'interpose, cadrant le personnage, de toute la vigueur de sa jeunesse. Je l'ai connu si petit, je découvre un Homme refusant de me voir insultée ainsi; il est blême de colère et il va lui falloir un peu de temps pour faire redescendre sa pression intérieure, par contre l'agresseur lui, a déguerpi au plus vite, car courageux mais pas téméraire, direction le bar tabac d'en face comme dab, haut lieu d'incitation à la haine à mon encontre.
Toute la journée, je vois un défilé, on ne peut plus curieux autour de mon fameux panneau d'affichage. Celui-ci met en avant la une du nouvel observateur et un certain visage......
Mais que diable font-ils ainsi accroupis, ou plaçant leurs enfants proche du panneau comme on le fait avec le Père-Noël.
Je reste stupéfaite, ils se prennent en photo via les portables avec un homme qui a détruit des millions de vie. Les enfants se redressent, les hommes accolent leurs faces; La haine, la mort, la violence glorifiées par ces donneurs de leçon; ils me montrent là, ce qu'ils sont vraiment; deux clientes présentes sont d'ailleurs profondément choquées.
La fin de journée approche, les clients défilent et soudain dans l'encadrement de la porte arrière, une vision, on ne peut plus sidérante: un homme, braguette grande ouverte, le sexe dressé, se masturbe le long de ma porte grillagée; il se frotte, se refrotte, tout le repas de midi me remonte, pardonnez l'expression, mais la vision me fait gerber; trop d'images, trop de peurs, trop de trop...
L'individu s'éloigne, se met à uriner, balançant le jet dans ma direction. Soulagé, il va s'asseoir sur les marches dans la courette, m'ordonnant d'aller " me faire baiser par un nègre" sans doute une allusion subtile à mon viol.
Je saisis aussitôt ma caméra, sentant un danger non identifié mais bien présent, la suite donc, en image:
Par pudeur je filmerai donc le mur, lorsque celui ci exhibera de nouveau son sexe.
Un coup de fil à Olivier de la municipale me permettra d'avoir la paix; l'individu est embarqué pour ébriété!
Pour m'accrocher à la vie et à sa beauté, je plonge tous mes sens dans mon chèvrefeuille qui m'enveloppe de son doux parfum. Je resterai sans doute à ses pieds, une partie de la nuit, juste pour faire le plein de son énergie et continuer vers demain.