sans doute, l'évènement le plus inattendu et le plus heureux de ces sept dernières années; soudain, au détour d'un mail découvert un jeudi matin de décembre, l'impensable, je lis:
"Bonjour,
Pouvez-vous me joindre vos coordonnées téléphoniques que l’on puisse discuter et vous expliquer le contenu de l’émission, Merci, Jacques"
Curieuse de nature, autant que méfiante, je ne réfléchis pas plus de trois secondes pourtant ; aussitôt les choses se mettent en place.
Mon cas les intéresse, rentrant parfaitement dans le cadre et le thème de leur émission. Je reste pourtant sur mes réserves car il faut que le dossier soit vu par leur service juridique et là, habituée au "oui, mais" notoire, je reste sans voix en entendant "pour nous tout est bon, aucun souci". Soucieux de ne pas blesser un peu plus la victime que je suis, mon interlocuteur s'empresse de me rajouter un" excusez nous, ce n'est pas que nous mettions en doute les faits, mais c'est ainsi que nous procédons". Heureusement, cet échange est téléphonique et le journaliste ne voit pas les larmes glissant sur mes joues. Peu habituée à tant de gentillesse, j'ai du mal à me ressaisir, ma voix tremble , j'ai envie d'aller me cacher dans un trou de souris pour hurler ma joie, mon désespoir; lâcher prise enfin, avoir le droit de crier mes souffrances jusqu'alors bestiales et muettes, que cet homme, vient de transformer en souffrances humaines. Désormais j'appartiens à l'espèce humaine, au moins pour quelques jours.
Tout va très, très vite, nous sommes déjà lundi et nous enregistrons le lendemain.
Le jour J, ils viennent nous chercher en Taxi devant la boutique, je suis bien, super bien, le calme m'envahit; j'ai glissé ma main dans celle de ma fille, nos regards se croisent, complices.
Je découvre la capitale en pleine lumière, tout me semble magnifique, même les embouteillages qui prennent des allures de grandes glissades.
La neige s'est mise à tomber, si fort, si fort, je souris, dans les moments de pur bonheur de ma vie , cette dernière est toujours présente; à la naissance de ma fille, elle m'a accompagnée tout le long de l'accouchement et les jours suivants.
Nous roulons vers une nouvelle naissance, celle d'une certaine reconnaissance dont nous avons tous besoins pour de nouveau croire en demain.
Une arrivée , un accueil, une chaleur humaine, des attentions multiples, maquillage, coiffeur, petits fours, la totale.
En cachette, je file pleurer , respirer à fond, je me sens comme cette vieille baudruche que l'on ressort du grenier ou de la cave, j'étouffe d'air frais, de joie, je pense à toi papa et je fredonne la Marseillaise.
Devant la glace avec la maquilleuse, qui quelque part me fait belle pour vous les téléspectateurs, une larme coule, seule, sans discontinuer, impossible de la stopper. Elle est la partie de moi, blessée à jamais par cette garde à vue du premier juillet; tellement honteuse, injuste où les institutions m'ont torturée, autant que mes violeurs. Les policiers ont tout fait, pour faire de moi une coupable, une moins que rien, un rebuts, une merde qui a bien mérité de se faire violer et qui pourtant leur a fait face inlassablement durant 24 heures. En prenant ainsi soin de moi, cette femme gomme ainsi, à chacun de ses gestes, les affronts de chaque minute; elle enlève la boue, le fumier déversé, craché à mon visage pour une expression utilisée pour faire cesser un tapage nocturne de voisinage "arrêtez de faire la bamboula".
Me voici, prête, je retrouve les autres invités, nous faisons connaissance, le courant passe très vite entre nous trois; pour la première fois, une émission d'une chaîne publique, va donner la parole aux victimes des délinquants et non l'inverse.
Pour cette audace, merci à toute l'équipe de "toute une histoire":
première partie de l'émission
mais surtout, Merci aux Peuples de France, de Suisse, de Belgique, du Luxembourg, du Canada, Du Québec, Des USA, D'Espagne, D'Italie, d'Allemagne, de Suède, des Pays Bas qui ont pris le temps de regarder, de nous comprendre, nous les victimes et qui touchés en plein coeur, m'ont envoyée des milliers de messages de soutien et d'admiration.
Mon combat ne se fera plus désormais en pleines ténèbres au fond des gouffres, mais en plein soleil au sommet des montagnes n'en déplaise au politiquement correct et à ses serviteurs.